En Colombie, le sénateur conservateur Miguel Uribe et candidat pour la présidentielle de l’année prochaine a été grièvement blessé lors d’une attaque : un homme de 15 ans lui a tiré dessus, deux balles dans la tête, lors d’un meeting électoral à Bogota. Ce crime rappelle les heures noires des assassinats perpétrés par les narcotrafiquants, il y a plus de 30 ans. Entretien avec Lina Penagos, docteure et chercheuse franco-colombienne en sciences politiques à l’université Paris-est Créteil.Lina Penagos : Je me trouvais alors à Bogota et j’étais à cet endroit une heure avant cet attentat. Il y avait beaucoup de monde autour du candidat, mais rien ne présageait de ce qui allait se passer. En tant que Colombienne, je suis très touchée, car cela nous fait revivre des moments de violence que l’on ne connaissait plus depuis trente ans, et que l’on n’attendait plus [quatre candidats à la présidentielle ont été abattus par des tueurs à gage entre 1987 et 1990, NDLR]. Et c’est préoccupant.
On ne peut pas encore savoir qui a commandité ce crime, mais je ne pense pas que ce sont les narcotrafiquants. Je pense plus que cela peut être lié à cette ambiance très polarisée qui monte en Colombie avec la tentative du président Gustavo Petro de faire un coup de force institutionnel, en essayant de faire passer ses réformes par décret [alors que ces lois sur le droit du travail et la santé ont été rejetées par le Parlement, NDLR]. Mais encore une fois, la situation est très nébuleuse. Pourquoi attaquer ce sénateur, par exemple ? Miguel Uribe était certes fortement opposé à la politique du gouvernement, mais il n’est même pas le favori au sein de son parti. L’enquête nous en dira plus.En effet. Il va falloir commencer à réviser les mesures de sécurité des candidats. Vont-ils devoir arrêter les meetings publics ? Va-t-on retomber dans cette ambiance angoissante d’il y a trente ans, qui empêchait les candidats d’organiser des réunions publiques, car ils avaient peur de se faire assassiner ? La question est celle-ci : le pays est déjà extrêmement polarisé, avec un président qui tente un coup de force institutionnel, et cela rajoute à la tension et à l’angoisse. Or, quand les gens votent avec la peur au ventre, ils ne se prononcent pas sur les mesures et les changements nécessaires pour le pays, mais ils répondent à la peur. Or voter avec peur crée une situation encore plus délétère.
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